Zone de Texte: Le  départ  à  l’armée.

Plus tard, Jacques reçut sa « feuille » de départ pour l’armée, prévu pour début novembre 1956. Il était indiqué qu’il partait directement pour l’Algérie. Ce fut à Blida.
Le jour venu, Jean qui faisait également le taxi se préparait à conduire son fils à la gare d’Arras. Je revois cette scène où sa mère Aimée, appuyée sur la barre en cuivre de la grosse cuisinière en fonte, s’écria au moment où Jacques sortait de la maison : « Je ne le reverrai jamais ! »

Un fait troublant. Un peu plus d’une année s’écoula et Jacques annonça qu’il avait obtenu une permission pour décembre. On l’attendait donc.
Zone de Texte: Remerciements à M. Jacques Pinart et aux amis de Philippe pour leurs témoignages émouvants et vécus.

	Avoir 16 ans en 1956 à Ecourt Saint Quentin, c’était ne pas trop se soucier de l’avenir. On ne parlait pas de chômage et le superflu n’avait pas cours. La télévision faisait son apparition et l’automobile, les motos, les mobylettes  prenaient leur plein essor. 
	
	Il y avait bien la guerre en Algérie, mais dans quatre ans quand viendrait l’heure du départ à l’armée qui était encore bien loin, cette guerre serait certainement terminée. La majorité des jeunes commençait à travailler à 14 ans ; normal leurs parents avaient commencé à 12 ans !  Ne pas travailler à 16 ans donnait l’impression d’être quelque peu assisté. 
	Le hasard voulut que Jean Varlet le garagiste du village, soit à la recherche d’un apprenti mécanicien, car son fils Jacques allait partir à l’armée. Ayant un certain intérêt pour le concret, je me présentais et Jean m’embaucha.

Début octobre, j’arrivais au garage pour être pris en charge par Jacques, c’était l’année de ses vingt ans. Il était décontracté, sympathique et un peu farceur. Le courant passa bien entre nous. 
	
Quelque temps avant son départ pour l’armée, son père Jean l’avait laissé démonter un moteur en pièces détachées et le remonter seul.  
Zone de Texte:                     1947 – 11 ans                                                     Jacques en 1954
Zone de Texte:       Jacques à 19 ans                                                    Ses parents : Aimée et Jean
Zone de Texte: Le choc. Cela se passait le samedi matin et comme chaque jour avant d’aller travailler à l’atelier, je prenais le café avec Aimée et Jean. La première chose que me dit Aimée en arrivant, fut : « Cette nuit j’ai réveillé Jean car on avait frappé à la porte et crié « M’ man », comme lorsque Jacques rentrait la nuit et qu’il avait oublié sa clé. Nous avons encore attendu, mais plus aucun bruit. Je me rendais compte que j’avais rêvé, sûrement parce que j’ai l’esprit occupé par son retour ».

Le soir même, le maire M. Léon Décaudain et deux gendarmes vinrent annoncer à Aimée et Jean que leur fils était porté disparu après une embuscade tendue par les fellaghas. C’est le lendemain dimanche que j’apprenais la mauvaise nouvelle.
            Lorsque  j’arrivais au travail le lundi matin, ce fut un moment difficile. Inutile de décrire la situation, Jacques étant en plus leur seul enfant. Jean et Aimée étaient assis tous deux dans la petite cuisine, pleurant et se tenant enlacés par le cou.
	Après quelques jours, ceux-ci commencèrent à réagir. Ce furent des lettres envoyées un peu partout, à de Gaulle, au Pape et tous les notables susceptibles de fournir la moindre information. Les réponses étaient : « Nous effectuons des recherches, nous ne manquerons pas de vous aviser dès que...etc ...etc... »
            Toutes les heures nous écoutions les infos sur Europe I. Ce qui est resté de plus odieux, ce furent des rumeurs parfois ironiques du genre : « Il a peut-être déserté ou il a rejoint le F.L.N ».
            
	Son nom est gravé sur le Monument aux Morts d’Ecourt Saint Quentin, avec celui de Philippe Boyon, tué également en Algérie.  
Celui-ci en permission était passé au garage début mars 1957 pour dire un bonjour. Il semblait avoir le moral. Quinze jours plus tard, ayant rejoint son régiment, il était blessé lors d’un accrochage et mourut après une semaine d’agonie.  Il était également fils unique. (Récit en fin de texte). Leurs noms apparaissent également au Mémorial AFN de Souchez dans le Pas – de - Calais et  au Mémorial National de la guerre d’Algérie, Quai Branly à Paris.

- On ne peut que s’interroger, quand on se remémore les pensées prémonitoires que la mère de Jacques a pu avoir le jour de son  départ à l’armée, ainsi que la nuit de sa disparition. (La suite, plus bas).
Zone de Texte:   Jacques à Blida à 20 ans                                                  2ème à G à 21 ans  à la Casbah d’Alger  le 22-11-1957
Zone de Texte: Quarante  ans  plus  tard.

Les années ont passé sans d’autres nouvelles. Pourtant j’avais toujours en tête le nom d’un copain de régiment de Jacques : Jacques Pinart. Je savais qu’il était de Douai. En fait il était propriétaire d’un commerce à la place d’Armes.

            Un jour, je me présentais chez lui en expliquant que j’avais connu Jacques et que ses parents après bien des aléas indépendants de leur volonté, étaient venus nous trouver pour nous demander de reprendre la succession du garage fermé durant plusieurs mois. De ce fait, il nous dévoila en quelques instants dans quelles circonstances et comment la destinée de Jacques avait basculé. Avant tout, il tint à nous dire combien ce souvenir l’avait marqué et que le sujet revenait souvent dans la conversation lors de réunions familiales.

Les  faits. Cela se passait dans la région de Cherchell, Jacques qui était caporal au 9ème Zouave et participait à la bataille d’Alger, caserné dans la Casbah, avait été désigné au dernier moment et détaché aux Tirailleurs Algériens, pour remplacer un collègue. D’après Monsieur Jacques Pinart qui était son sergent, on ne devait pas l’envoyer pour cette mission car il était permissionnaire. Il nous confirma que cette nuit là, son équipe était prise à partie et qu’après l’embuscade il était porté disparu ainsi que deux tirailleurs Algériens. Ce qui avait déjà été annoncé en décembre 1957 par les autorités militaires. 

Ensuite, il nous raconta que durant plusieurs jours ils purent suivre à la jumelle dans la montagne les trois hommes prisonniers des fellaghas. Ils se déplaçaient chargés de fardeaux. Le troisième jour, ils assistèrent impuissants à leurs derniers instants. Moments terribles  que Jacques Pinart m’a confiés et que je ne puis raconter.

La plupart des militaires qui ont séjourné et crapahuté en Algérie savent qu’il était impossible d’intervenir dans ce genre de situation, à cause du terrain fait de gorges et de grottes difficiles d’accès. Même si cela avait été possible, ils auraient été supprimés de toute façon.
On voudrait parfois ne pas connaître certaines vérités, mais ce serait renier et vouloir ignorer le calvaire de ces milliers de jeunes tués ou disparus loin de chez eux.

	Son père décédé en décembre 1975 et sa mère en avril 2005 n’ont jamais connu cette réalité. Malgré les recherches, son corps n’ayant jamais été retrouvé, il est toujours porté disparu.
Zone de Texte: En haut Jacques, en bas à droite Jacques Pinart de Douai. Sur le casque, la  mascotte : une tortue.
Zone de Texte: La fin tragique de Philippe Boyon.

Le récit en a été fait par deux de ses camarades  présents au moment de l’attaque. L’un  était de Vénissieux et l’autre de Bourg en Bresse. Ceux-ci sont venus à Ecourt avec leur épouse le 4 juillet 2000, à l’invitation de Michel Dormard président des Anciens d’A.F.N. Ils avaient fait des recherches sur Philippe par l’intermédiaire d’un journal. Ils allèrent déposer une plaque sur sa tombe avec Mme Josette Péru (adjointe au maire) et quelques membres des Anciens Combattants d’Ecourt St Quentin.

Les  événements. 
	
Un des deux camarades venus à Ecourt se trouvait dans le même half-track que Philippe au moment de l’accrochage.

Le 19 mars 1957 vers huit heures, sur une piste de chênes-lièges dans le djebel Saadia de l’Ouarsenis à trente kilomètres d’Orléansville (aujourd’hui Cheliff), le 25ème Dragon avait pour mission la reconnaissance d’une maison forestière. Le convoi était composé d’une jeep avec quatre occupants, de deux half-tracks et de deux G.M.C (soit une cinquantaine d’hommes au total). Philippe était affecté à une mitrailleuse de 50.

A un moment le capitaine fit stopper le convoi. Des fellaghas postés se croyant découverts ouvrirent le feu. La fusillade  dura à peine deux minutes, mais malheureusement Philippe fut atteint au rein dès les premières balles. Il se plaignait beaucoup. Réclamant sa mère. Seulement la nature du terrain empêchait les hélicoptères de se poser pour permettre l’évacuation des tués et blessés. Cela prit du temps avant de pouvoir atteindre l’hôpital  Maillot à Alger où Philippe décéda le 26 mars après une semaine d’agonie.

              Les noms de Jacques Varlet et de Philippe Boyon, sont gravés sur les murets du Mémorial ANF de Souchez.

Le Mémorial canadien de Vimy érigé après la Première Guerre mondiale, se situe à 3 kilomètres du Mémorial de Souchez.

 Philippe se trouve à gauche.                                        Ici au premier plan.

Zone de Texte: Philippe parmi ses camarades d’école en 1945  -  De g. à d.

En haut : 
Jean Canivet - Jules Dehay – Vincent Péru – Albert Wiart. 

Au milieu : 
Michel Dormard (actuel président des Anciens d’AFN) – Philippe Boyon  – Henri Bacot – Francis Duflos – Gilles Richard – Jean Barbier – Alexandre Bacquet. 

En bas : 
André Wiart – François Fourmaut – Gilles Mallet – Claude Mathon – Robert Bellicourt – Francis  Lemettre. 

A noter, les tenues vestimentaires de l’époque et la tenue correcte de chacun.           
Zone de Texte: Un hommage au Monument aux Morts est rendu régulièrement à ces jeunes disparus au combat.
       
En 1960, l’heure était venue à notre tour, d’aller servir sous les drapeaux et en Algérie...     Serge Leblanc

Ce texte revu et condensé est paru en intégralité dans la revue semestrielle n° 2 du Cercle d’études historiques d’Ecourt Saint Quentin et de ses environs.
Zone de Texte:     Jacques et Philippe, deux destins anéantis en Algérie...
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